dimanche 25 janvier 2009

Fantasmes vénitiens


En fait, je crois que je vais écrire sur les écrivains. Sur tous ceux qui ont trempé leur plume à l'encre de leurs fantasmes, le plus répandu étant de loin les femmes de Venise, prostituées bien sûr, vérolées de préférence, au téton borgne pour Rousseau. Il en est peu qui résiste à cette tentation de la garce, de la pute, de la maquerelle majuscule, fille à matelots et courtisane dissimulée dans un domino de soie sombre, religieuse vaporeuse pour Casanova de carnaval. Certains ajoutent une pincée de fantasme plus intime mais pas obligatoirement plus sympathique : Ernest Hemingway nous met une louche de testostérone avec de viriles évocations des "gars de Torcello, des durs... qui faisaient du trafic d'armes d'Alexandrie"; Paul Morand assaisonne son Venise d'antisémitisme avec ce naturel qui fait mal et noie Venise sous une avalanche de beaux mots dont il s'enivre en solo. Mais la palme de l'humour involontaire revient sans doute à Marcel, notre fragile Proust avec son cache-nez et ses allergies, qui trouve à la place St Marc une vraie ressemblance avec la place de l'église à Illiers-Combray et cette ingénuité tient de la magie pure. Les Français ont le réputation de comparer les fjords aux calanques, en moins bien, le Kilimandjaro au Puy de Dôme et Cuzco à Alès, et voilà Proust qui se refait le coup de la petite madeleine avec le palais des Doges. Merci à lui ! Dans un autre genre, j'aime assez Montaigne, le paresseux, qui expédie Venise en une phrase : "Au demeurant, les raretés de cette ville sont assez connues". J'aimerais pouvoir l'imiter...

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