samedi 30 août 2008

I had a dream...


Vous connaissez la série américaine Cold Case ? Affaires classées en v.f. Avec la blonde glacée, l'Hispanique sexy-sympa, le Noir digne-et-fiable et le Blanc gros-grognon-au-coeur-d'or. Bref l'équipe qui gagne. Il s'agit de reprendre une enquête ancienne à la lueur d'un nouvel indice qui surgit de nos jours. La musique est formidable, tout comme l'évocation du passé filmé un peu flou et un peu sépia. Les épisodes sont très souvent l'occasion de revenir sur des attitudes aujourd'hui totalement dépassées, ou du moins on le souhaite puisque un grand nombre met en scène le racisme ordinaire de la société américaine. Pas des actes épouvantables à la KKK. Pas des mises en scène à grand spectacle avec cagoules et croix qui flambent dans la nuit. Juste un quotidien terrifiant. Et l'on comprend mieux l'engouement suscité par Barack Obama, le côté inespéré de sa désignation comme candidat démocrate à la Maison Blanche, quarante ans après l'assassinat de Martin Luther King à Memphis. L'Amérique, ou du moins une partie, fait un rêve à son tour. Le rêve de tourner une page ou plus. Un rêve que nous partageons, tant ces dernières années avec Bush Jr l'ont rendue difficile à aimer. Nous sommes tous pétris de musique, de films, de sodas, de romans à la sauce US mais avec Dubya comme on l'appelle là-bas, cela devenait vraiment trop dur ! Alors Barack on l'adore, il est beau et intelligent, sa femme est belle et intelligente (exit Laura, la potiche vertueuse), ses gamines ont l'air de vraies petites pestes comme tous ces enfants (de) stars dont raffolent les Américains. Bref, c’est une jolie famille comme on n’en a pas vu depuis longtemps. Bien sûr, aux yeux des Noirs américains, il n’est pas un véritable « Noir américain », il est un cocktail de Blanc et de Kenyan. Sa famille n’a jamais connu Miss Scartlett et ses plantations de coton, mais, bon, pour un premier essai, il n’est pas si mal, non ?

Have you ever watched Cold Case on TV ? With the icy blonde, the sexy Hispanic, the wise-and-humorous Black and the grouchy-but-so -tender-hearted White. They try to solve old and very cold cases. The music is very good as the images of a not-so-far-away past, a little blurred and faded. Real nice but sometimes incredibly disturbing since many stories deal with ordinary racism. Not the terrifying dramas with hooded horsemen and blazing crosses, just the daily humiliations leading much too often to crime. It helps to understand the extraordinary expectancy regarding Barack Obama, forty years after Martin Luther King’s assassination in Memphis. America has a dream after eight years of Bush Jr, and we have the same dream. We happily adopted US music, films, sodas and litterature but it was hard with Dubya as a president. We love Barack, so nice, intelligent and good-looking. Michelle is great too, nice, intelligent and good-looking (bye bye Laura. The women won’t miss you !) and the girls are pure brats, the kind the Americans love and we Europeans could gag, very normal. Gee, isn’t it a good family ? Of course, Barack may not be the typical African American. In fact he is half White, half Kenyan. His family never picked cotton for Miss Scarlett but for an attempt, it is not so bad, is it ?

vendredi 15 août 2008

Le 13 août 2008

Pourquoi la vertu a-t-elle souvent un petit goût aigrelet ?
Retour du glacier de la plage avec terrasse sur la rue de la plage et vue imprenable sur le foule de la plage. Comme il fait un peu frais, chacun est prêt aux pires bassesses pour une table bien placée et une coupe débordante de Chantilly, coulis de framboise et autres amandes effilées grillées. La carte est une invitation à se rouler dans les calories pour oublier la météo médiocre mais je choisis une coupe raisonnable avec deux sorbets (framboise et fruit de la passion) pour la bonne conscience et une boule tiramisu pour la transgression, légère. A côté de moi, un être sans scrupule ni préoccupation diététique commande une coupe Pistacco, une superposition de crèmes glacées et de pistaches, noyée dans la sauce au chocolat chaud et un tourbillon de Chantilly dense, saupoudrée d’on-ne-sait-quelle noisette croquante. Un vraie gueule de péché où je me précipite en me signant mentalement. Saint Apfeldorfer, étends tes mains, que je soupçonne dodues, sur mon petit bidon pour le faire fondre ! En jurant, pour faire bon poids (non ! pas ça, il n’y a pas de « bon poids » possible après une glace et demi !) que je vais revenir à la maison en courant genoux au menton. Non que ma coupe ne soit pas appétissante. La framboise contre le tiramisu posés sur le fruit de la passion, le tout couronné de deux bouts d’orange et d’une branchette de menthe est un miracle de polychromie de bon ton, plus esthétique que la Pistacco aux coulures marron. Mais c’est juste irrésistible. Et je ne comprends pas pourquoi la vertu n’a jamais ce goût, pourquoi le sorbet est plus triste que la triple crème, le haricot vert que la frite, le filet de lotte que le civet. Avec des croûtons. La grasse mat’ que la messe de 7h…

Le 10 août 2008

L’âge de la com
Il y a quelque chose de cruel dans cette manière de clore la bouche – clouer le bec ? - des enfants, de l’âge du berceau à celui du vélo à petites roues environ, avec une tétine. Quelque chose comme le refus de supporter l’expression de leurs envies, besoins, joies et chagrins. Une façon de leur signifier « Tais-toi et suce. Tu es trop petit pour avoir la parole ». Un froncement de sourcil au fond de la poussette, un reniflement précurseur et hop ! A nous la tototte ! Alors c’est vrai, les pleurs incompréhensibles, les peines qui submergent les petits comme un mascaret peuvent inquiéter. On se sent brutalement impuissant devant des yeux noyés de larmes et il est tentant de fermer la bouche qui tremble avec ce bouchon de plastique, efficace comme une bonde de lavabo. Tu as peur ? Tu as mal ? Tête ce bout de caoutchouc, c’est mieux que tout. Tu es furieux ? Je ne veux pas l’entendre, mâchonne ! Je me souviens d’un petit Virgile qui ne parlait pas du tout en maternelle. Il comprenait à la perfection ce qui se disait mais restait muet. En revanche, il mordait les autres enfants dès qu’il était ému. Corinne, l’institutrice, interrogea la mère car c’était le premier cas de total mutisme associé à une telle violence qu’elle rencontrait et cette dernière finit par glisser dans la conversation qu’elle n’avait jamais adressé la parole à son fils. Et quand elle comprit que ce serait bien qu’elle se lance, elle s’avéra incapable de lui parler directement. Elle ne pouvait employer que la troisième personne au lieu du tutoiement. « Alors il a passé une bonne journée ? » ce à quoi Virgile ne répondait pas puisqu’il n’était pas l’interlocuteur.

Le 8 août 2008

Conte navajo.
Un jour, un coyote remarqua un groupe de petits oiseaux qui semblaient s’amuser énormément : ils volaient au sommet d’un grand arbre, puis plongeaient vers le sol avant de remonter et recommencer, sans se lasser. Il s’approcha et leur demanda ce qu’ils faisaient. « Va-t-en, coyote, tu n’es pas des nôtres. » Il insista encore et encore : « Si ! Montrez moi ce que vous faites et je ne vous pourchasserai plus de la journée ». Les oiseaux finirent par lui permettre de grimper à la cîme de l’arbre pour les retrouver. Là, ils lui expliquèrent que leur jeu consistait à se retirer les yeux, les jeter vers le sol et de voler très vite pour les rattraper avant qu’ils ne roulent au sol. « Oh c’est formidable. Je peux faire comme vous ? –Mais non, tu n’es pas des nôtres. Tu n’es qu’un coyote et tu ne peux faire pareil.- Si ! Laissez faire comme vous et je ne vous pourchasserai pas de la semaine. » Les petits oiseaux se mirent d’accord et lui expliquèrent comment faire : « Tu te mets sur le bout de la branche, tu t’arraches les yeux et tu les lances. Dès que tu ne les tiens plus, tu files vers le sol pour les rattraper et hop ! Tu les renfonces dans tes orbites ». Le coyote fila vers l’extrêmité et se mit en devoir de s’arracher les yeux : « Mais ça fait mal ! –Oui, mais c’est toi qui a voulu faire comme nous, alors ne te plains pas ». Le coyote finit par lancer ses yeux et sauta dans le vide en hurlant ; il s’écrasa au pied de l’arbre et entendit deux petits bruits : « Ting ! Ting ! » et les yeux roulèrent au loin. Il pleura et implora les oiseaux : « Aidez moi, je n’y vois rien ! Je suis aveugle, j’ai mal, je suis dans le noir ! » Les oiseaux lui demandèrent de se taire. « Je vous en supplie, aidez-moi à retrouver mes yeux. –Ecoute, tu as voulu nous imiter alors que tu n’es qu’un coyote. Maintenant, tant pis pour toi.- Ayez pitié de moi ! Aidez moi à retrouver mes yeux. Je ne vous ennuierai plus jamais, je vous le jure. –Juré ? » demandèrent les oiseaux dubitatifs. « Oui, je vais partir très loin et vous ne me verrez plus jamais ». Les petits oiseaux remontèrent dans l’arbre et ramassèrent la sève qui coulait sur le tronc. Ils en firent deux petites boulettes et les enfoncèrent dans les orbites du coyote qui s’enfuit en courant. Et c’est depuis ce temps-là que les coyotes ont les yeux jaunes.

Le 6 août 2008

Dans une de ses Chroniques martiennes, Ray Bradbury décrit un monde futur et totalitaire comme il se doit, dont le gouvernement a mis au point une technique d’abrutissement des foules d’une efficacité absolue : chaque citoyen a une puce implantée dans le cerveau chargée de détecter toute velléité de penser. Au moindre frémissement de l’intellect, un son inattendu se déclenche, sonnerie de téléphone, pleur d’enfant, train qui arrive en gare, grincement de craie sur un tableau, qui stoppe l’idée dans l’œuf. Il m’est arrivée de penser que les enfants avaient été inventés pour rendre leur mère, ou leur père quand c’est lui qui s’en occupe, complètement décérébrée avec leur inextinguible soif d’attention, leurs questions, leurs colères, leurs chagrins qui composent une guirlande infinie de bruits rendant impossible toute concentration. Je me souviens m’être mise à peindre à l’aquarelle des bouquets sans autre intérêt que celui de me permettre de faire le vide de toute interférence. De m’abstraire de tout micro-drame. Plus tard, j’ai rencontré Fabienne Verdier, peintre devenue célèbre depuis, qui m’a raconté comment, lors de ses années d’étude de la peinture au Sechuan, les autorités chinoises diffusaient, en permanence, du Richard Clayderman, aussi bien dans les salles de cours que sur les quais de gare, pour empêcher tout début de conversation et d’élaboration de pensée. Ce que j’ai pu vérifier en me rendant en Chine par la suite ainsi qu’au Vietnam où le même Clayderman a été choisi pour rendre idiots les touristes se rendant à Hoi An tant il est flagrant que ces roucoulades pianistiques sont de nature à décérébrer les plus aguerris. Mais le plus troublant est que ce type d’abrutissement des foules n’est pas réservé aux régimes totalitaires. Déjà, en 1955, dans son livre Gift from the Sea, Anne Lindbergh explique comment la femme américaine se prive de son « daydreaming », finalement assez créatif, en consommant d’ineptes soap operas et aujourd’hui que dire de nos musiques d’ascenseur, de grandes surfaces, de parkings, de nos animations de rue avec diffusion continuelle de musique invertébrée ? Que dire de la pub qui passe en boucle ? Qui envahit aussi bien notre espace auditif que notre espace visuel en colonisant les carrosseries de bus, le « mobilier urbain » et la télévision ? Que dire de ce bruit incessant , de ces écrans aux couleurs criardes ? Le plus extraordinaire est que la plupart en redemande et se connecte à une source personnelle de sons, sans en être prié, comme si l’espace offert par le silence faisait peur. Comme si la possibilité de nous servir de ce qui fait notre supériorité sur l’animal représentait un danger. La liberté fait-elle si peur, comme l’a écrit Erich Fromm, que nous choisissions n’importe quel maître, même le plus insignifiant marchand de lessive –retour sur le soap opera-, pourvu que nous puissions oublier notre solitude intrinsèque ?