jeudi 31 juillet 2008

Merci Abe

Les hôtels (de luxe) posent souvent sur l'oreiller un (très mauvais) chocolat (plein de crème et de sucre) en même temps que la météo du lendemain. Les gourmands et/ou les désespérés engouffrent le premier et jettent la seconde à la corbeille, surtout si elle annonce des ondées. Lors de mon séjour à Hué, l'hôtel La Résidence, une vraie merveille de style Art Déco au bord de la Rivière des Parfums... - oui, je sais, ça énerve ! Mais en vrai, on ne voyait pas la rivière au bout du jardin tellement il faisait mauvais, alors les parfums, on oublie aussi- bref, le soir, on trouvait, sur le mol oreiller de duvet, peut-être un chocolat, je n'en ai aucun souvenir, mais surtout une phrase d'un homme célèbre et le premier soir, j'ai trouvé celle-ci, d'Abraham Lincoln, que je vais traduire à la sauvage :"Presque tous les hommes peuvent supporter l'adversité, mais si vous voulez tester le caractère d'un homme, donnez lui du pouvoir". Non, ce n'estpas moi qui ai mis deux fois "homme", c'est Abe. A part cette (légère) lourdeur (c'est quoi ça ? un zeugma ? un oxymore plutôt), je trouve ce propos d'une justesse troublante. Pas vous ? Aujourd'hui, c'est l'attitude de la Chine qui assume parfaitement de censurer internet qui me fait penser à cela, mais, à l'époque, au mois de mars, c'était plutôt Sarko qui me venait à l'esprit.

dimanche 27 juillet 2008

Bonsaï


Je déteste les bonsaïs même si des mini-pruniers en pots dans la cité impériale de Hué m’ont séduite. Même si j’ai vu des petits saules exquisement contrefaits dans les temples des flancs de l’Emei-san. Contrefaits, c’est bien là le cœur de ma nausée. Contrefaits comme des pieds de Chinoise aux os brisés et ressoudés à l’envers, contrefaits comme des enfants contraints par une éducation contre nature, comme des arguments repris et torturés jusqu’à se retourner comme un gant par des intellectuels aguerris. Pourquoi est-il si difficile de laisser pousser arbres et enfants droit vers le ciel ? Pourquoi brider les pieds et les envies, pourquoi les empêcher de prendre leur place ? Quel plaisir trouvent certains à les tourmenter et les rendre difformes ? Pour le sentiment de puissance que donne l’intervention directe sur la nature ? Mettre son empreinte en courbant les branches, pinçant les bourgeons et tordant les rameaux ? En tordant les idées, malmenant les arguments, pliant les théories ? En pinçant les désirs, brisant les envies et courbant l’élan ? C’est aussi haïssable que ces petits chaussons brodés, vendus à Malacca chez le dernier cordonnier spécialiste des pieds bandés. Leur vue m’a fait monter un terrible haut-le-cœur, tout comme, en devanture, les photos de ces femmes sur leur pattes d’oiseaux fragiles et contrefaits, misérables victimes d’une civilisation sans pitié. Quelque part, je trottine aussi sur des « boutons de nénuphars ».

Bonsaï
I hate bonsaï, those crippled pigmy trees that can be seen everywhere in China or Vietnam, even though some of them are really cute like a mini-plum-tree in blossoms, mini-blossoms of course I saw in the Imperial City of Hue or a tiny maple with red leaves near the Emei-san. What is the point of twisting the branches, plucking the leaves, cutting and crushing the buds like the bound feet of Chinese girls ? I feel sick as I felt in Malacca, discovering in a narrow street the last shoemaker who could sew and embroider the tormenting silk slippers with the strangest shape to fit a foot. A walking foot I mean. Not a pseudo erotic objet making the poor girls hopping stupidly as birds. Education can bind a mind too, let's not forget it.

jeudi 24 juillet 2008

Le look du bagne

Devant moi, il y a ce caleçon, ce boxer short plutôt, qui dépasse de plus de 20cm de la ceinture du jean, porté si bas que je crains à tout moment qu'il ne tombe aux chevilles. Dans l'escalier mécanique, le garçon essaie de le remonter mais la coupe est telle que rien n'y fait. Il a choisi ce modèle et devra supporter cet inconfort absolu doublé sans aucun doute de la terreur du ridicule sans peut-être en savoir la raison. Sait-il que cette mode parfaitement hideuse qui coupe la silhouette et dégage des sous-vêtements pas toujours bien sexy, est une évocation des bagnards à qui l'on ôte la ceinture à l'incarcération ? Sait-il que cette jambe de pantalon dans la chaussette symbolise le port d'un boulet ? Je vois tous ces malheureux gamins avec leur démarche chaloupée de bad boys, empêtrés dans l'entrejambe, à hauteur de genoux, d'un short géant de basketteur ou celle d'un survêt, qui leur interdit les grandes enjambées. Parfois pour compléter cette panoplie, ils arborent une sorte de slip en nylon fin sur la tête sous la casquette de base-ball, forcément (allusion durassienne) de travers. Quand ils ne sont pas appareillés d'écouteurs qui leur balancent une musique de futurs sourds dans les oreilles, ils jettent un regard de défiance à la ronde. Les mamies, et pas seulement elles, les regardent comme des incendiaires de voitures. Tout est en place pour confirmer quelques solides préjugés, à des années-lumière du pseudo-romantisme de Sing-Sing ou San Quentin !

mercredi 23 juillet 2008

Hi Wilhelmina !


Hier, pour dépanner une secrétaire de rédaction, j'ai dû appeler Vigo, en Galice, et vérifier un papier dans mon plus bel espagnol. Depuis mon ego ronronne d'aise. A chacun sa citadelle à prendre. Son dépassement. J'ai fait une vague tentative de «vous parlez français ou anglais ?», en castillan semi-parfait, mais il est difficile de se planter en trois mots. Et la conversation a démarré après son assurance que «non,non» elle ne parlait rien de tout ça mais que je débrouillais formidablement bien. Rires.
L'une des pires frustrations pour moi est d'aller dans un pays dont je ne connais pas la langue. Et ils sont nombreux ! Heureusement, l'anglais se massacre plus ou moins sous toutes les latitudes et la communication directe se fait malgré l'excentricité de certains accents. Jusqu'ici, seuls la Turquie, la Chine et le Japon sont restés hermétiques à mes tentatives de séduction linguistique, à mes envies de partager un rire ou une confidence. Je me souviens de cette Hollandaise aux cheveux rouges, rencontrée au pied du Rainbow Bridge, dans l'Utah. Avec ses copines, elle faisait du trekking à la recherche de l'ancien Glen Canyon, inondé pour cause de barrage. J'attendais mon photographe qui avait disparu au delà de l'arche parfaite, alors qu'il était recommandé de ne pas le franchir car c'était un lieu hautement symbolique pour les Navajos. Wilhelmina fit quelques pas avec moi et me raconta comment elle était venue à la fin des années 60 avec son sac à dos et sa guitare, sur les traces d'on-ne-sait-qui. Kerouac peut-être ou Dennis Hopper. Là, au bord du gouffre, elle avait croisé le regard de celui qu'elle allait épouser le lendemain, avec qui elle vivrait d'amour et d'air pur pendant vingt-huit ans, jusqu'à ce qu'il meurt d'un cancer, et dont elle avait eu trois ou quatre enfants. En cinq minutes, nous nous étions reconnues. Nous savions que nous étions de la même espèce et que nous avions élevé nos enfants pareil, avec les mêmes idéaux, totalement déplacés dans la société actuelle.

mardi 22 juillet 2008

I love Paris (Hilton) in summertime

RER, ligne B vers Châtelet-Les Halles. On se bouscule un peu mais pas trop. C'est l'été. Paris a son air en vacances avec des familles d'Italiens qui s'interpellent, de jeunes Américains en short et Pataugas, attifés comme s'ils allaient prendre l'Annapurna par surprise, et les habituels Parisiens. La plupart scrute un tout petit écran pour faire le premier «démineur» du matin. Ils pianotent comme des maniaques, dans ce qui ressemble à une tentative desespérée de se muscler le pouce. D'autres s'énervent sur leur i-Pod ou autre baladeur miniaturisé. Ecouteurs-boutons glissés au creux de l'oreille ou casque genre aiguilleur du ciel, ils sont tous ailleurs, entre les deux sources de bruits. Pris en sandwich entre celle de droite et celle de gauche. Au delà des décibels, de plus en plus forts avec les années et la surdité qui s'installe, rien. Prunelles vides, regard flou, bonjour les zombies ! Il y a peu, on quelques intellos épluchaient les magazines TV entre Richelieu-Drouot et Chaussée d'Antin, et cherchaient à comprendre la psychologie riche de Benjamin Castaldi ou de Paris Hilton. Aujourd'hui, c'est fini : la culture se perd, on vous dit !

dimanche 6 juillet 2008

T'as pas 100 balles ?

M’étant faite traitée d’ « enfant gâtée du journalisme » par un supérieur, strictement hierarchique, je précise, tant mon estime lui sera refusée aussi longtemps qu’il n’aura pas prouvé qu’il connaît autre chose que la cathédrale Saint-Louis de Versailles, je veux ici parler des journalistes africains qui, apparemment, n’ont pas la vie facile. Il semblerait que du côté de Kinshasa, mais pas seulement, on se paie les services des confrères comme ceux d’un avocat ou d’un médecin. Le sujet de l’article prend rendez-vous pour donner une interview et paie le journaliste pour que cela passe. Dans le meilleur des cas, cette somme est reconnue et appelée pudiquement « indemnité de transport ». La rédaction ne débourse pas un sou. D’où ces miracles d’objectivité proportionnels aux comptes en banque… Alors oui, je suis en enfant gâtée.

Can you spare a dime ?
I heard that life was harsh for journalists in Kinshasa (and elesewhere I suspect). They are not paid by the publisher but by those who want to be written about. You want to grow soja and plan to expell 150 people from their tiny gardens, you make an apointment with the smartest Paquita Shalimar in town and ask her to tell how great it is going to be for those poor peasants to get away from that barren land. And then you pay what is called the « transport allowance ». Don’t you love euphemism ?