dimanche 27 juillet 2008

Bonsaï


Je déteste les bonsaïs même si des mini-pruniers en pots dans la cité impériale de Hué m’ont séduite. Même si j’ai vu des petits saules exquisement contrefaits dans les temples des flancs de l’Emei-san. Contrefaits, c’est bien là le cœur de ma nausée. Contrefaits comme des pieds de Chinoise aux os brisés et ressoudés à l’envers, contrefaits comme des enfants contraints par une éducation contre nature, comme des arguments repris et torturés jusqu’à se retourner comme un gant par des intellectuels aguerris. Pourquoi est-il si difficile de laisser pousser arbres et enfants droit vers le ciel ? Pourquoi brider les pieds et les envies, pourquoi les empêcher de prendre leur place ? Quel plaisir trouvent certains à les tourmenter et les rendre difformes ? Pour le sentiment de puissance que donne l’intervention directe sur la nature ? Mettre son empreinte en courbant les branches, pinçant les bourgeons et tordant les rameaux ? En tordant les idées, malmenant les arguments, pliant les théories ? En pinçant les désirs, brisant les envies et courbant l’élan ? C’est aussi haïssable que ces petits chaussons brodés, vendus à Malacca chez le dernier cordonnier spécialiste des pieds bandés. Leur vue m’a fait monter un terrible haut-le-cœur, tout comme, en devanture, les photos de ces femmes sur leur pattes d’oiseaux fragiles et contrefaits, misérables victimes d’une civilisation sans pitié. Quelque part, je trottine aussi sur des « boutons de nénuphars ».

Bonsaï
I hate bonsaï, those crippled pigmy trees that can be seen everywhere in China or Vietnam, even though some of them are really cute like a mini-plum-tree in blossoms, mini-blossoms of course I saw in the Imperial City of Hue or a tiny maple with red leaves near the Emei-san. What is the point of twisting the branches, plucking the leaves, cutting and crushing the buds like the bound feet of Chinese girls ? I feel sick as I felt in Malacca, discovering in a narrow street the last shoemaker who could sew and embroider the tormenting silk slippers with the strangest shape to fit a foot. A walking foot I mean. Not a pseudo erotic objet making the poor girls hopping stupidly as birds. Education can bind a mind too, let's not forget it.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dear Paquita, votre texte me renvoie à l'une des inénarrables Idées noires de Franquin (voir cette BD) où un père de famille amateur de bonzaï est interviewé et décrit par le menu les tortures qu'il fait subir à... son arbre. Autre référence, le jardin Albert Kahn que je visitai jadis et qui me laissa un sentiment de malaise, comme une nature au garde-à-vous, intimidée, comme un enfant ligoté dans un costume pas fait pour lui. Tout cela nous entraîne loin comme tous vos articles, Paquita...
Ordonc aias Le cousin patagon