vendredi 15 août 2008

Le 10 août 2008

L’âge de la com
Il y a quelque chose de cruel dans cette manière de clore la bouche – clouer le bec ? - des enfants, de l’âge du berceau à celui du vélo à petites roues environ, avec une tétine. Quelque chose comme le refus de supporter l’expression de leurs envies, besoins, joies et chagrins. Une façon de leur signifier « Tais-toi et suce. Tu es trop petit pour avoir la parole ». Un froncement de sourcil au fond de la poussette, un reniflement précurseur et hop ! A nous la tototte ! Alors c’est vrai, les pleurs incompréhensibles, les peines qui submergent les petits comme un mascaret peuvent inquiéter. On se sent brutalement impuissant devant des yeux noyés de larmes et il est tentant de fermer la bouche qui tremble avec ce bouchon de plastique, efficace comme une bonde de lavabo. Tu as peur ? Tu as mal ? Tête ce bout de caoutchouc, c’est mieux que tout. Tu es furieux ? Je ne veux pas l’entendre, mâchonne ! Je me souviens d’un petit Virgile qui ne parlait pas du tout en maternelle. Il comprenait à la perfection ce qui se disait mais restait muet. En revanche, il mordait les autres enfants dès qu’il était ému. Corinne, l’institutrice, interrogea la mère car c’était le premier cas de total mutisme associé à une telle violence qu’elle rencontrait et cette dernière finit par glisser dans la conversation qu’elle n’avait jamais adressé la parole à son fils. Et quand elle comprit que ce serait bien qu’elle se lance, elle s’avéra incapable de lui parler directement. Elle ne pouvait employer que la troisième personne au lieu du tutoiement. « Alors il a passé une bonne journée ? » ce à quoi Virgile ne répondait pas puisqu’il n’était pas l’interlocuteur.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Magnifique et troublante histoire, qui donne une nouvelle jeunnesse à l'expression fils d'andouille... Je tiens à vous signaler que j'ai vu à deux reprises, dans le métro, Paquita, des jeunes filles têtant cet accessoire de caoutchouc, baladeur sur les oreilles et yeux vides, il y avait là qqch de mutant... Cela mérite une enquête, non?

Bien cordialement
Elézard de la Gonfle