jeudi 15 janvier 2009

Bonjour chez vous !


L'incarnation du refus du formatage est mort : Patrick McGoohan, le concepteur de la série Le Prisonnier a finalement été rattrapé par le Rôdeur, cette espèce de ballon de baudruche blanc qui errait dans les ruelles de Portmeirion comme un air-bag mortel, un jouet d'enfant cruel. Il se plaquait au visage des apprentis évadés et les étouffait plus ou moins, on ne sait pas trop, car rien n'était jamais certain au Village. Il filait sur une musique menaçante, rebondissant, comme tout ballon sur une plage, et, implacablement, immobilisait le téméraire. On a tous regardé, sans toujours les comprendre, ces épisodes dans la ligne d'Orwell ou Huxley, qui distillaient l'inquiétude d'un monde annonçant le nôtre. Dans son costume Mary Quant, ou Courrèges, il forçait l'entrée du bureau de commandement où l'attendait toujours dans ce fameux siège-œuf typique des années 60, le dernier N°2, poli et déterminé à le faire plier. Nous, on savait que personne ne soumettrait jamais N°6, concentré de rage et de défi dont nous enviions la vitalité de Phœnix. Il avait quelque chose d'un écureuil dans une roue, toujours furieux, toujours révolté, toujours en fuite et toujours repris. A la fin de chaque épisode, les grilles claquaient sur l'écran. On n'a jamais rien fait de plus britannique que Le Prisonnier, sauf Chapeau Melon et Bottes de Cuir sans doute. Un lecteur du Monde.fr regrette qu'il n'y ait eu aucun humour dans les aventures de N°6 et là, je m'interroge : inventer un univers où tout le monde fait tourner des parapluies multicolores sur une petite fanfare nulle n'est pas de l'humour ? Imaginer des épisodes où l'intrigue tourne autour de la phrase hautement significative : "Pâtissier Malin, Pâtissier Malin, quand donc me referas-tu de bons gâteaux ?"n'en est pas non plus ? Et les combats d'art martial sur trampoline ? Chaque épisode avait sa dose d'absurde et de dérision, comme celui-ci où Patrick McGoohan écoute Bizet en boucle d'un air pénétré, puisque cette série était aussi d'un élitisme assumé. Britannique aussi.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

pâtissier gentil, pâtissier gentil...

C'est oublier aussi l'épisode bizarre où le numéro 6 raconte à des enfants l'histoire d'un alter-ego détective déguisé en Sherlock Holmes combattant sur un terrain de cricket, dans des montagnes russes et en haut d'un phare une femme mystérieuse très Courrèges et un homme déguisé en Napoléon (même dans un référentiel déjà bizarre en soi, cet épisode atteint des sommets), ou celui se situant dans un Far West sorti des 7 mercenaires. Il y a aussi le portier nain, les croque-morts qui se promènent un peu partout et certains interprètes du numéro 2 qui valent aussi le détour. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de farce, de gags, de coups de coude complices qu'il n'y a pas d'humour dans le Prisonnier. Heureusement, sans quoi l'on n'aurait jamais ressenti d'inquiétude pour ce personnage. L'on se serait dit "bah, de tout façon, c'est une blague".

Paquita Shalimar a dit…

Mais oui "pâtissier gentil", et pas "malin". Merci Mel pour tant d'érudition ! Il est clair que Christian Clavier, malgré une interprétation de Napoléon, me semble-t-il, ne nous aurait pas tenu en haleine longtemps.
Non, N°6 est parti à bord de sa Lotus Seven, vers les sables que l'on soupçonnait mouvants, de ce littoral gallois, enfin libéré, chantant Dry Bones pour l'éternité.

Anonyme a dit…

J'ai aimé cette série. Moi aussi. Je vivais à l'époque dans ma famille les mêmes aventures que N°6avec mon père dans le rôle de N°2 et ma mêre dans celui de la Grosse Boule.
Votre cousin Patagon