vendredi 12 décembre 2008

Le Japon, île majuscule


Hier soir, Lost in Translation sur Arte que je n’avais pas vu. Cela m’a rappelé tout ce que j’ai trouvé d’ingrat au Japon, cette impression asphyxiante d’être redevenu un tout petit enfant qui ne sait rien faire tout seul. Qui n’a plus aucune prise sur le monde qui l’entoure. Comme un nourrisson qui attend tout de sa mère. Je ne sais pas si j’ai jamais aimé ce sentiment d’impuissance absolue mais à l’âge adulte, c’est insupportable. Et pourtant, je ne suis pas allée à Tokyo, dans cet univers inhumain que nous montre Sofia Coppola avec un rien de malice. J’étais à Kyoto, le rêve de tout voyageur. Kyoto au printemps, à l’époque bénie des sakura, quand les Japonais s’enivrent de la beauté des fleurs de cerisiers, quand ils revêtent leurs plus beaux habits pour les mériter, quand ils se prennent en photos sous les branches des espèces pleureuses comme ils l’ont fait au millimètre près l’année précédente, et celles d’avant encore. Entre cet exercice de poésie pure où toute une nation se retrouve pour fêter les fragiles corolles blanches et roses, et la vulgarité des pachinko où les mêmes viennent jouer aux machines à sous dans des hangars de tôle ondulée, le visiteur a un peu de mal à comprendre. D’un côté, on cherche sur internet le degré d’éclosion des fleurs le long du canal de Takasegawa, ou au temple de Kyomizu, de l’autre on s’abîme dans un tête à tête exorbité avec un bandit manchot qui lâche des pétarades et des flashes lumineux à rendre cinglé Lao Tseu lui-même ! Des gamines sans âge aux jambes blêmes s’habillent comme des poupées Corolle géantes pour mieux dealer leurs petites culottes. Les garçons s’inventent un look de rockeur à coup de gel. "Téléphone maison ", comme suppliait E.T. Une image du film résume bien l’esprit des voyages et la détresse qui submerge parfois : Bill Murray assis au bord de son lit d’hôtel, le regard perdu, comme ce tableau de Hopper où une jeune femme est assise sur son lit ouvert, quelque part, à New-York sans doute.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Moi, j'ai adoré l'esthétique du film, les plans sur la ville, les lumières de la ville, l'histoire je m'en fous, elle est banale, tout le monde a vécu çà pour peu qu'il soit allé à la boulangerie du coin acheter son pain. Cette coppola quelle artiste ! Et son Marie Antoinette tu l'as vu Paquita ? Un vrai médium cette fille, on dirait qu'elle a vécu au 18ème et en France. J'admire. Ce sont des films aux mille tableaux. Très inspirant pour un peintre. Quant à Kyoto je rêve d'aller y faire la mariole sous les cerisiers en fleurs... qui me font toujours me souvenir d'un goûter au salon de thé du Bon Marché avec ma grand mère dans mon enfance, et où sur une estrade, un trio de vieilles femmes musiciennes à la basse, au violoncelle et alto nous grinçait : "un cerisier sur le sol irlandais, jamais on ne le verra..." Berthe.